Peut-on penser sans connaître ?
Si connaître c'est avoir acquis des informations ou des savoirs, informations acquises de l'extérieur (par nos sens) ou de l'intérieur (dans nos rêves par exemple .. ou par notre réflexion) ou savoirs déjà constitués (les théories scientifiques ou philosophiques) sur le monde, sur les autres ou sur soi, alors on ne peut pas penser sans connaître. On ne peut pas penser sans matière à penser. Comme il a été dit dans le débat, l'acte de penser consiste alors à traiter ces informations, à discerner le vrai du faux, par la raison ou l'expérience, à combiner, à mettre en rapport ces informations et ces savoirs, à essayer de généraliser les cas particuliers qui nous sont offerts. Pour celà ils nous faut suspendre notre jugement et mettre à l'écart nos passions pour approcher de l'objectivité par l'exercice de la raison et produire ainsi des idées nouvelles, des concepts ou des théories nouvelles ... résultats de notre pensée mais aussi nouvelle matière à penser qui, transformée en hypothèses, sera à nouveau soumise à notre raison, à l'expérience, à nos exigences éthiques. Le processus de la pensée est ainsi sans fin
Mais si connaître c'est, comme le dit Pascal, "appréhender" le monde, "saisir le réel hors de toute remémoration" dans "un état de non savoir absolu" . Si connaître est "une nécessité vivante et incontournable" alors là au contraire on peut connaitre sans penser car on fait tout simplement disparaître la pensée en la court-circuitant et par là même on fait aussi disparaitre la raison !
Ainsi donc, au "je pense donc je suis" de Descartes, c'est à dire à l'affirmation que c'est la pensée qui fait l'homme, faut-il répondre, comme semble nous le suggérer Pascal "je suis donc je ne pense pas" ? Il donne raison ici à la philosophie orientale, qui valorise l'harmonie avec les processus vitaux, et qui ignore la raison. Mais si l'activité de chaque homme ne doit consister qu'en une "appréhension du réel", s'il ne doit être guidé dans son action que par le "non-savoir absolu", s'il doit se "jeter à l'eau sans savoir nager ni sans savoir ou il va" alors qu'en est-il de la responsabilité de l'homme sur le monde, sur son avenir, sur les autres? Qu'en est-il aussi dans cette façon de penser de "la parole" et de "l'autre", les deux grands oubliés des pensées orientales ?