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 Je crois que 1+1=2.

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fellion




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Date d'inscription : 05/04/2020

Je crois que 1+1=2. Empty
MessageSujet: Je crois que 1+1=2.   Je crois que 1+1=2. Empty11/3/2021, 15:49

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Répondant à Sganarelle Don Juan répond, je crois que deux et deux font quatre…Molière reprenant au sein « de Socrate chrétien » (1652) de Guez de Balzac:

“Monsieur mon ami, j’ai bien du déplaisir de ne vous pouvoir donner le contentement que vous désirez de moi. Mais vous voyez que je ne suis pas en état de faire de longs discours, ni de vous rendre compte de ma créance par le menu. Je vous dirai seulement en peu de mots que je crois que deux et deux font quatre et quatre et quatre font huit. Monsieur Tel (montrant du doigt un mathématicien qui était là présent) vous pourra éclaircir des autres points de notre créance."

Il ne s’agit pas de vérifier que l’égalité est vraie ou non. Mais de s’interroger sur le fait, sait-on ou croit-on que… « Je », le sujet de trop.

Conjuguer, non à l’indicatif ou l’interrogatif,  choisir le mode infinitif, disparition du sujet.  Le sujet trop présent, trop  important pour pouvoir s’en passer, l’ignorer. Aller en verbes, sans noms, à l’infinitif, laisser à autrui (laisser aux choses, se laisser) la place la plus large, la plus libre. Possible à faire. Essayer d’appeler à une pratique effective : à s’engager, à s’y mettre (à vivre, à être, à penser), chacun à sa manière.
Marcher sans le savoir. Penser sans le savoir. Ni savoir comment faire pour marcher ou pour penser. S’étonner de manquer de savoir. Et de pouvoir savoir sans savoir savoir, sans avoir conscience de savoir. S’étonner de pouvoir penser ou marcher sans avoir à s’en inquiéter. 
Y croire.

Les termes croire et savoir peuvent être pris dans le même sens et signifient alors « tenir pour vrai ». « Je crois que un et un  font deux. » L’acte de tenir pour vrai se nommait naguère assentiment. Ou dans la langue de Montaigne, l’ancien mot pour croyance, créance : « recevoir en sa créance », dit encore Descartes.

« Même je ne voulus point commencer à rejeter tout-à-fait aucune des opinions qui s’étoient pu glisser autrefois en ma créance sans y avoir été introduites par la raison, que je n’eusse auparavant employé assez de temps à faire le projet de l’ouvrage que j’entreprenois, et à chercher la vraie méthode pour parvenir à la connoissance de toutes les choses dont mon esprit seroit capable. »

Discours de la méthode deuxième partie.

Le verbe croire et le substantif croyance ne désignent pas toutes les façons de « tenir pour vrai », mais celles qui ne sont pas de l’ordre du savoir.

Distinguer croire et savoir paraît à première vue fort simple. Toutefois il faut bien voir que la question porte non pas sur le contenu de la créance; que la terre tourne autour du soleil, que un et un font deux, mais sur la manière de tenir pour vrai la modalité de la créance: le tenir pour vrai seulement parce qu’on l’a entendu dire, c’est croire, mais non savoir. Ainsi la connaissance par ouï-dire n’est pas une connaissance scientifique : un homme récitant par cœur des théorèmes de mathématiques supérieures qu’il n’a en aucune façon compris est-il tenu pour mathématicien ?
Les conséquences de cette distinction sont importantes. Il convient de ne jamais oublier qu’elle est différente de la distinction du vrai et du faux. Tout le monde croit savoir que la terre tourne autour du soleil, mais qui le sait vraiment ? Cette croyance n’est pas fondée sur des raisons. Le savoir au contraire suppose qu’on comprenne les raisons pour lesquelles on est en droit de donner ou non son assentiment à cette vérité.

La connaissance d’un fait est un savoir, si ce fait a été établi, c’est-à-dire s’inscrit dans notre expérience. Notre expérience, je vois qu’aujourd’hui il pleut, n’est pas du même ordre que la connaissance mathématique, purement rationnelle, mais c’est bien un savoir sur lequel nous pouvons nous accorder.

Croire par le témoignage d’autrui une vérité de mathématiques peut avoir une utilité pratique, appliquer une équation, mais ne constitue en aucun cas un savoir mathématique. Et si savoir par ouï-dire que la terre tourne, tout en sachant qu’on n’a là qu’une connaissance par ouï-dire, comme c’est le cas pour la plupart des choses que nous disons savoir, n’est pas une faute.

Tout savoir est conquis sur des croyances présentes en nous du seul fait que «Et ainsi encore je pensai que pource que nous avons tous été enfants avant que d’être hommes » écrit Descartes dans les « Principes de la philosophie » : il est impossible en effet que nous ayons eu dès notre naissance l’usage entier de notre raison ; il nous a fallu admettre mille choses avant d’être capables d’en juger : tout homme commence par préjuger, c’est-à-dire par donner son assentiment avant de peser et d’examiner. Un préjugé n’est pas nécessairement une idée fausse, c’est une pensée que nous avons laissé s’installer en nous sans l’avoir nous-mêmes réellement pensée, formée : une idée toute faite, c’est-à-dire une idée que personne n’a faite, disait Valéry. Un esprit accoutumé à disposer de vérités qui ne sont en lui que des préjugés est plus difficile à libérer que s’il était dans l’erreur.

amicus Platonis, sed magis amicus veritatis : je suis ami de Platon mais plus encore ami de la vérité. Cette attitude est éminemment platonicienne, socratique : dans le "Criton", Platon nous montre Socrate préférant suivre son jugement plutôt que de faire plaisir à ses amis. Penser selon ses amitiés ou son appartenance n’est pas penser.

Les philosophes scolastiques usaient de ce qu’ils appelaient l’argument d’autorité. D’une part s’il s’agit, parce que Pythagore l’a dit, de croire sans examiner, on voit bien qu’un tel argument n’a pas de sens, l'expression apparaît dans le livre de Cicéron, De natura deorum (I, 5, 10) en parlant des disciples de Pythagore qui l'employaient pour marquer le caractère irrévocable de l'autorité de leur maître.

Nec vero probare soleo id, quod de Pythagoreis accepimus, quos ferunt, si quid adfirmarent in disputando, cum ex iis quaereretur quare ita esset, respondere solitos: «Ipse dixit»; «ipse» autem erat Pythagoras; tantum opinio praeiudicata poterat, ut etiam sine ratione valeret auctoritas.

le « ipse dixit» est devenu l’adage d’une pensée servile qui s’enferme dans une doctrine toute faite et renonce à la critique. Mais d’autre part, et c’est ce que voulaient dire les scolastiques, lorsqu’on a reconnu qu’un auteur a écrit une œuvre de qualité ou lorsqu’on sait que des siècles de lecteurs l’ont jugée telle, il « fait autorité » autoritas qui donna plus tard auteur, comme on le dit encore aujourd’hui d’un savant reconnu pour ses découvertes dans un domaine donné : les thèses exposées dans son œuvre méritent un examen, nous pouvons présumer que les étudier nous instruira. Ainsi nous savons aujourd’hui encore qu’Aristote est un « grand » philosophe. Nous n’allons pas croire aveuglément ce que nous trouvons dans son œuvre, mais au lieu de nous arrêter à la première objection, qui vient presqu’à coup sûr de notre incompréhension et de notre ignorance, nous le suivrons pour tâcher de comprendre ce qu’il voulait dire. Cette confiance qui précède ici le savoir ne contredit pas la nécessité d’une lecture critique, c’est-à-dire la primauté du jugement sur la croyance. Ou bien apprendre serait toujours improviser sans jamais pouvoir tenir compte de ce qui a été fait avant nous. Il n’y a plus d’école si l’autorité intellectuelle du maître n’est pas reconnue, si une forme de croyance ne précède pas le savoir : cette confiance n’est pas un préjugé. On appelle au contraire « maître à penser » un homme auquel on fait une confiance aveugle au point de renoncer à penser par soi-même ; et certains livres, à différents moments de l’histoire humaine, ont fait fonction de « maîtres à penser », expression contradictoire puisque de tels maîtres sont faits pour nous dispenser de penser. La pensée n’a pas de maître. Le magistère du maître d'école n’est pas un despotisme. Maître en effet est un mot français qui correspond à deux mots latins, magister et dominus, le maître qui instruit et le maître qui domine. Il faut se révolter contre toute forme de domination, mais confondre instruction et domination, qu’on soit élève ou maître, revient à empêcher toute instruction, même élémentaire.

« Il est possible de croire sur un témoignage à des vérités rationnelles mathématiques en partie parce qu’ici l’erreur est difficilement possible, en partie parce qu’elle peut également être détectée sans peine. Quant aux vérités rationnelles d’ordre philosophique, elles ne sauraient en aucune façon être objets de croyance ; elles ne peuvent être qu’objets de savoir ; car le philosophe ne tolère en elle aucune simple persuasion. »
Kant, Logique.

Et en ce qui concerne en particulier les objets de la connaissance rationnelle pratique en morale – droits et devoirs – ils peuvent tous aussi peu donner lieu à une simple croyance. On doit être tout à fait certain si une chose est légitime ou non, conforme ou non au devoir, permise ou interdite. On ne peut rien hasarder dans l’incertitude en matière de morale, rien décider qui risque de contrevenir à la loi. Ainsi par exemple il ne suffit pas que le juge croie simplement que celui qui est accusé d’un crime l’a réellement commis. Il doit le savoir juridiquement, ou alors il agit sans conscience.

Il suffit en effet de réfléchir sur l’institution judiciaire pour comprendre que nos décisions les plus importantes ne relèvent pas de simples croyances. Juger un homme coupable et le condamner repose sur une prétention qui dépasse toute simple croyance. Ou bien l’institution judiciaire n’a aucun sens, ou bien il faut que nous sachions établir une culpabilité et que nous ayons des raisons de punir qui ne soient pas seulement des croyances. Ce qui est plus remarquable encore si nous nous plaçons non pas au point de vue juridique, mais au point de vue moral, lorsqu’il s’agit de nous juger nous-mêmes. Ainsi nous revenons à la nécessité de distinguer croire et savoir comme deux manières de croire radicalement distinctes : toute la difficulté est pour chacun, examinant en soi-même toutes ses pensées, de bien distinguer ce qu’il sait et ce qui n’est que croyance.

On remarquera que le devoir relève du savoir, la philosophie ne nous dit pas quels sont nos devoirs : elle nous abandonne à notre responsabilité d’homme et nul ne peut trouver ailleurs qu’en lui-même la volonté de faire ce qu’il sait devoir faire. La réflexion ici ne nous apprend pas ce que nous devons faire (qui ignore qu’un médecin a pour premier devoir de soigner les malades ?), mais elle nous force seulement à réfléchir sur la nature du devoir ou d’une obligation, pour voir qu’en effet il n’y a pas de devoir si le devoir n’est pas l’objet d’un savoir mais seulement d’une croyance et que la morale n’est rien si elle n’est qu’un préjugé. Un tel savoir est certes autre chose qu’une connaissance scientifique et par conséquent nous avons à nous interroger sur sa nature.

« Socrate: Alors continuons et examinons encore ceci. Y a-t-il quelque chose que tu appelles savoir ?

Gorgias: Oui.

S. Et quelque chose que tu appelles croire ?

G. Certainement.

S. Te semble-t-il que savoir et croire, la science et la croyance, soient choses identiques et différentes ?

G. Pour moi, Socrate, je les tiens pour différentes.

S. Tu as raison, et je vais t’en donner la preuve. Si l’on te demandait : « Y a-t-il, Gorgias, une croyance fausse et une vraie ? » tu dirais oui, je
suppose.

G. Oui.

S. Mais y a-t-il de même une science fausse et une vraie ?

G. Pas du tout.

S. Il est donc évident que savoir et croire ne sont pas la même chose.

G. C’est juste.

S. Cependant ceux qui croient sont persuadés aussi bien que ceux qui savent. »

Platon, Gorgias

“Je sais que je ne sais pas.” Cet énoncé permet à la pensée de se libérer de nombreuses croyances et de chercher enfin à savoir. L’aveu de cette ignorance s’oppose au savoir : on ne peut être savant et ignorant sur un sujet. Cependant elle ne s’oppose pas à la croyance car on peut croire savoir et donc ignorer.

Croire savoir ignorer.

Par cette phrase, Socrate cherche à savoir ce que nous savons vraiment. Si nous comprenons entièrement un théorème mathématique, il s’agit de comprendre les axiums  qui les précèdent et ainsi de suite. Cette pensée qui donne plus tard naissance au scepticisme est liée à une exigence de précision et une recherche de la vérité. Il ne faut cependant pas tomber dans l’excès du scepticisme de ceux qui ne croient en rien par indifférence pour la vérité. 

La philosophie s’interroge sur ce qui fait que le savoir est un savoir et c’est là qu’elle démontre toute son exigence.
Γνῶθι σεαυτόν

C’est ce qui se cache derrière “connais-toi toi-même !” : il ne s’agit pas de se connaître psychologiquement mais de connaître les raisons qui nous poussent à penser d’une certaine manière.

NB; ce texte reprend et résumé l'ensemble des notes préparatoires à l'animation de la conversation de mercredi 10 mars 2021.
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