Me vient à l’esprit la légitimité de ce question dans le cadre d’un « café philo ». En effet elle serait mieux à même d’être posée dans une réunion de coaching, ou de management ?
Comment être légitime réponse en cinq points;
Le fait d’occuper un poste ne suffit pas à être légitime aux yeux de ses collègues et de ses subordonnés.
La légitimité hiérarchique et administrative
La légitimité amicale
La légitimité technique
La légitimité valorisante
La légitimité intellectuelle
Vous pouvez modifier à volonté ces cinq points et vous aurez répondu à la question. D’un coté vous aurez des personnes satisfaite de cette approche de l’autres des insatisfaits. Les seconds justifieront leur insatisfaction par la non légitimité de vos réponse. L’exemple le plus fréquent étant qui êtes vous pour dire cela, infèrent que ce n’est pas votre domaine de compétence. Certes ça ne l’est pas.
Alors posons une autre question. Une question qui ne conduise pas à une manière de faire proposée par autrui, qui serait peut être pas légitime à vous la donner. Formulons la question différemment de façon à trouver une réponse indépendante de l’extérieur. Une question plus philosophique;
Que signifie : "être légitime" ?
On dit d'une personne qu'elle est légitime à une fonction lorsqu'il y a un consensus autour d'elle pour dire qu'elle a les compétences, les qualités et l'expérience requise pour ce poste.
Être légitime est un jugement subjectif sur la conformité d'une personne, d'un fait, d'une proposition ou d'un argument par rapport à une loi ou une règle tacite. Si la règle était juridique on dirait simplement que c'est légal et non légitime.
L'origine du mot est en effet également celui de lex(gis) la loi. Mais au contraire de la légalité qui se juge relativement objectivement, la légitimité est une notion plus floue. La loi n’est pas que juridique, elle est multiple, physique, éthique, morale, religieuse, tribale, sociale etc…La légitimité est affaire à la fois de moeurs, de logique, de morale, d'utilité, de contexte, de qualité. Peu de mots sont autant surdéterminés et difficiles d'usage.
Prenons un exemple : "Est-il légitime de donner une gifle à un enfant qui tente de nous faire les poches ?". Le vol est illégal et constitue une violation du droit de propriété et il semble légitime de l'empêcher par une violence proportionnée, la gifle étant une violence spontanée et relativement inoffensive.
La réponse se fera différente en fonction du contexte et des personnes qui la jugerons légitime ou non. L'homme a eu une réaction impulsive et violente face à un enfant qui a été l’agresseur. Ainsi pour qu'une action ou une parole soit légitime il faut que sa cause apparaisse clairement.
Evaluer la légitimité demande qu'on apporte des preuves, qu'on justifie, que l'on rende compte de ses actes devant autrui et devant soi-même.
Parfois il existe un décalage entre le jugement que nous portons sur nous-mêmes et celui qu’autrui porte sur nous : certaines personnes ne se pensent pas légitimes pour occuper une position sociale, une fonction spécifique quand les autres au contraire ont pleine confiance en eux. Le Sujet a le sentiment d'être un imposteur, qu'il ne mérite pas, la reconnaissance et les responsabilités qu'on lui accorde. Il se dit que l'on va bientôt découvrir la supercherie, ajoutant la honte à la culpabilité. Ne pas se sentir légitime dans ce cas signifie: ne pas se sentir à la hauteur des responsabilités ou des attentes d'autrui.
C'est la raison pour laquelle la question de la légitimité est une question porteuse dans la pratique philosophique : elle oblige à porter des jugements sur une situation, à multiplier les perspectives et les arguments.
Une affirmation illégitime apparaîtra décalée, en rupture avec ce que l'on aurait attendu. Par conséquent l'illégitimité provoque une crise, une rupture dans la normalité, dans ce qui est attendu, face aux convenances, aux bonnes moeurs, au sens commun. « Voici ce qu'on peut légitimement attendre d'un élève sortant de tel cursus »; la légitimité se définit toujours par rapport à un cadre implicite, par rapport à un contexte, un historique.
C'est la raison pour laquelle la question de la légitimité est une question porteuse dans la pratique philosophique, elle oblige à porter des jugements sur une situation, à multiplier les perspectives et les arguments. Une action peut-être légitime selon un certain argument et illégitime selon un autre. Un argument lui-même peut-être légitime selon un contexte, selon certains présupposés implicites et illégitime selon d'autres présupposés.
De même on peut se poser la question de la légitimité d'une question. A partir du moment où une question contient toujours des présupposés et qu'on part du principe qu'une question se justifie pour découvrir, explorer, approfondir une situation ou un être, elle sera légitime ou non selon ses présupposés.
Une question légitime dans la pratique philosophique est une question qui porte, qui donne à penser, qui montre un problème, qui provoque une rupture, un trouble
Ainsi une partie du travail consiste à dépouiller au maximum les questions, de tout présupposé afin qu’elle soit la plus “pure” possible. La légitimité a dans ce cas et assez bizarrement un lien avec la pureté. Une question légitime dans la pratique philosophique est une question qui porte, qui donne à penser, qui montre un problème, qui provoque une rupture, un trouble.
D’aucuns penseraient que justement ces questions ne sont pas légitimes en ce qu’elles ne “respectent pas l’intégrité du Sujet”, le mettant au pied du mur. Mais pour le philosophe, faire violence au sujet agissant est légitime dans la mesure où c’est une manière de s’adresser au sujet pensant. Ce dernier ne craint rien, il crée le dialogue avec la conscience.
Evaluer la légitimité d'un propos, d’un acte, nous oblige à exercer notre jugement, à développer la recherche des causes et des conséquences, à explorer le contexte, les motivations, l'intention, l'objectif des protagonistes puis à trancher donc à s'engager dans une décision, aussi incertaine soit-elle. Penser la légitimité des actes, des paroles et des comportements c'est une manière de philosopher et de travailler la souplesse de sa pensée.