Merci Christine et Maxime pour vos interventions écrites, synthétiques, et super synthétiques
Je le serai un peu moins
.
Selon la définition du dictionnaire le mot postérité signifie « la suite des descendants d'une même origine » ou par extension « la suite des générations futures » ou, par analogie « l’ensemble des héritiers de quelqu’un ou d’une même tradition spirituelle ou intellectuelle ».
Plus basiquement on pourrait sans doute définir la postérité comme « les traces du présent dans le futur ».
Ainsi éclairé par ces définitions, je retiens du débat de dimanche les choses suivantes (non exhaustif bien sûr !).
D’abord, poser une question " A qui sert la postérité ? ", au temps présent et dans le temps présent, à propos d’une réalité future (la postérité se situe dans le futur), n’est-ce pas une impossibilité logique ? Il faudrait dire pour maintenir la logique de la proposition " A qui
servira la postérité ? " (c'est à dire à qui seront utiles les traces du présent qui subsisteront dans le futur). Mais répondre strictement à cette question par " elle servira aux générations futures " ou " à l’humanité future " nous amène à une sorte de tautologie, car cela revient à affirmer que " les générations futures serviront aux générations futures ".
Une autre façon de retomber sur ses pieds logiques serait de se demander " A qui sert de rechercher la postérité ?" (rechercher dans le temps présent). La réponse, me semble-t-il, ne pouvant être autre chose que " à moi-même ", c’est à dire " à celui qui pose la question ", celle-ci devient " à quoi sert de rechercher la postérité ? " . La réponse peut alors être de deux ordres :
Y répondre par " Je veux que le souvenir de moi perdure dans la mémoire des générations futures ", c’est se placer dans le registre psychologique ou existentiel. Cela met en lumière notre besoin de conjurer la mort, notre désir de durer, de donner du sens à notre vie en la faisant se prolonger dans le futur par la mémoire. Mais cette image de nous-mêmes que l’on veut donner à nos descendants n’est-elle pas illusoire à double titre ? Cette image nous n’en avons pas la maitrise. Quelles que soit nos intentions dans le présent, elle ne nous permettra pas de conjurer notre mort, et nous échappera après celle-ci, voire même se retournera contre nous.
On peut aussi répondre à cette question sur le registre de l’engagement au service du collectif " J’agis individuellement et collectivement dans ce monde pour que le résultat de mes actions passent à la postérité, soient utiles aux générations futures ". Nous sommes là dans la notion de transmission, et notre capacité à transmettre les leçons du passé et du présent aux générations futures. Mais ne sommes-nous pas là encore dans l’illusion ?
En effet, toute trace laissée volontairement par nous, n’est-elle pas vouée à être oubliée ? Ne faut-il pas accepter de ne jamais être entendu par les générations futures ? Ne faut-il pas se contenter de semer sans savoir si la récolte viendra ? Ne sommes-nous pas condamné à agir dans le monde présent dans l'ignorance de ce que nos actions laisseront dans le monde futur.
La question de l’illusion de la postérité avait d’ailleurs été posée directement dans la reformulation de la question initiale. La question initiale en effet (A qui sert la postérité ?), ayant parue, mal posée à beaucoup, il a été proposé de l’englober dans une question plus générale, qui interroge l’utilité (servir à …) de la postérité, (utilité qui était présupposée dans la question initiale). La question ainsi reformulée « La postérité est-elle une illusion ? » étant ainsi une reformulation qui correspondait mieux, à la problématique, assez large, exprimée par la personne ayant posée la question initiale. On voit d’ailleurs, comme j’ai essayé de le faire ici pour montrer les incohérences de la formulation initiale, que tenter de répondre à l’une revient à répondre à l’autre après avoir levé les incohérences logiques, en passant d’ailleurs par de multiples reformulations de la question initiale … comme c’est souvent le cas dans un café-philo, où la question initiale fait surgir de multiples autres questions. N’est-ce pas le but de nos cafés philo, en tout cas tel que je l’entends, de susciter des questions ?
Mais sur le fond de la problématique, finalement, la question principale n’est-elle pas la question éthique, celle de l’intentionnalité des traces que je dépose tout au long de ma vie et que je laisse aux générations futures à ma mort. Est-ce que je laisse des traces pour soigner mon égo, pour apaiser ma peur de la mort, ou bien pour les générations futures, pour leurs transmettre un monde vivable et des repères pour leurs actions ?