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 Quelle attitude l’homme peut adopter face à l’incertitude ?

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2 participants
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Alineherve




Nombre de messages : 4
Date d'inscription : 16/04/2020

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MessageSujet: Re: Quelle attitude l’homme peut adopter face à l’incertitude ?   Quelle attitude l’homme peut adopter face à l’incertitude ? Empty17/5/2020, 16:53

Merci pour cette réponse très documentée et la découverte d’un nouvel auteur Dewey
Amicalement
Alineherve
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fellion




Nombre de messages : 40
Date d'inscription : 05/04/2020

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MessageSujet: Quelle attitude l’homme peut adopter face à l’incertitude ?   Quelle attitude l’homme peut adopter face à l’incertitude ? Empty3/5/2020, 22:58

La question dominicale fut : quelle attitude l’homme peut adopter face à l’incertitude ?

La diversité des cas d’incertitudes multiplie les attitudes possibles. L’incertitude peut se découvrir sous la diversité des cas, eux-mêmes pouvant s’illustrer sous la multiplicité des exemples. Ainsi ; l’homme face à l’incertitude se trouve en quête de certitudes : entre croyance et savoir ; penser l’incertitude liée aux événements extrêmes ; réflexion sur l’incertitude à travers l’histoire des sciences et des idées ; probabilité et incertitude (j’ai combien de « chances » que cela m’arrive) ; du probable à l’angoisse, une certitude jouissive ; l’idée de risque et son évolution ; la gestion des risques après la constitutionnalisation du principe de précaution ? L’investissement de défense face à l’incertitude ; œuvrer dans l’incertitude (l’incertitude de l’artiste face à son travail) ; l’incertitude en matière de technologie ; l’incertitude-obstacle, l’incertitude productive ; de l’incertitude à la précaution dans quel que domaine que ce soit, exemple : l’incertitude en métrologie ; risque et prospective ; etc. La liste est longue, chaque cas pouvant eux-mêmes être illustré d’exemples.

Ainsi l’interrogation inférée à cette question, porte sur l’incertitude elle-même hors de tout cadre de référence. C’est à dire penser l’incertitude à la façon de Socrate κατὰ ὅλον, selon le tout.
Que fait la philosophie ? Depuis Socrate, philosopher c’est dire le tout des choses, le tout de l’eau, de l’air, de l’infini... ὅλος. la philosophie n’est pas penser le tout des choses, ce qui n’est que combats et luttes incessantes, mais penser κατὰ ὅλον, selon le tout.
Socrate dit non le tout des choses, mais selon le tout καθολός que ne traduit pas universel, mais le tout des choses.
Ainsi ; qu’est-ce que le courage ? Non pas, les cas particuliers du courage, mais saisir le tout du courage, le définissant et le distinguant des autres modalités possibles. Mais ce procédé conduit à ἄπ ορος, le sans passage, l’aporie. La définition échappe. Philosopher selon Socrate et Platon, c’est passé de la diversité des cas à l’unité de l’idée.

Lexicographie.

Certitude vient du bas latin ecclésiastique certitudo désignant en particulier la « conviction chrétienne » héritée d’une double signification ; objective, subjective qui appartient à l’adjectif certus : soustrait au doute, fixé, positif, réel, s’agissant d’une chose ou d’une connaissance, ou ferme décidé, sûr, authentique, en parlant d’un individu. Il n’y a pas d’équivalent grec du mot, le verbe cerno, cernere d’ou vient certus, signifie passer au crible, discerner, en grec χρινειν (krinen) trier, cribler, tamiser, juger. Ainsi s’engage un rapport entre certitude, jugement et vérité, lié depuis la philosophie moderne, cartésienne à la problématique du sujet et de la certitude de soi-même. Tout le réseau terminologique de la vérité se trouve ainsi mis en jeu, du dévoilement et de l’adéquation à la certitude et à l’évidence.
Voyons quatre points à propos de la certitude dont s’extrapoleront ce que l’on entend par l’absence de certitude, l’incertitude.
  • – L’aspect objectif se manifeste d’abord, certudo traduisant par exemple « la nature indéterminée », des objets ou des propriétés connues, ou le caractère incontestable vrai des principes.
    – Avec la résolution du sujet qu’inaugure la philosophie cartésienne, le second aspect prend le devant : certaines « raisons », « idées », ou « propositions » sont vraies et évidentes, mais la plus certaine et la plus évidente de toutes, donc en un sens la plus vraie, c’est la certitude de mon existence, une certitude que le sujet s’attribue à lui même (sans nécessité de l’altérité). La thématique de la certitude précède historiquement et logiquement celle de la conscience, mais elle finit par lui être incorporée et subordonnée.
    – La certitude devient donc une qualité (qualitas est un attribut ou une propriété) ou une disposition du sujet qui reproduit, dans le champ de la connaissance rationnelle, la sécurité ou l’assurance que le croyant trouvait dans sa foi et qui le soustrait au flottement. (Croyance et foie ne s’adressent pas uniquement aux dieux, mais aussi à soi, à l’autre [j’ai foi en toi dit un père, une mère à son enfant] ou en la science par exemple.)
    – Le français conserve la possibilité de renverser les perspectives. Dans les principes de la philosophie, Descartes transforme la certitudo probabilis des scolastiques, Thomas en particulier, en certitudes morales.


L’incertitude, car tel est le mot précis de l’interrogation dominicale, est issue de l’ajout du préfixe  in  au vocable certitude. in Préfixe privatif et négatif.

in-certus-tudos.

tudos suffixe qui forme des noms abstraits de condition ou d’état.

certus :

  • 1 Décidé, résolu, arrêté. id certum atque obstinatum est.

    2 Fixé, déterminé, précis. certo signo. au signal donné. certo die. le jour fixé.

    3 Certain, sûr, digne de confiance, honnête.
    tu ex amicis certis MIes certissimus. — (Plaute) de mes amis sûrs, toi, tu es le plus sûr de tous.

    4 Qui n’est pas douteux, clair, avéré, certain, sûr, réel, positif, manifeste, vrai, authentique.
    ecquem tu illo certiorem nebulonem ? – (Cicéron) Connais-tu un vaurien plus authentique que celui-là ?

    5 Certain de quelque chose, sûr de quelque chose, au courant de, instruit de. certi sumus periisse omnia. — (Cicéron) Nous sommes sûrs que tout a péri.


Ainsi on peut proposer les définitions suivantes :

1 État d’une personne irrésolue sur ce qu’elle doit faire, ou incertaine de ce qui doit arriver.
2 Ce qui est susceptible de doute.
3 Ce qui n’est pas d’une nature bien arrêtée.
4 Métrologie Erreur attendue dans une mesure.


Une fois établit le sens du mot comment répondre à la question posée.

Je propose une réponse en m’appuyant sur le texte d’un auteur américain du XIXe siècle, auteur qui a su lier la philosophie et la psychologie appartenant au courant pragmatique « le sens d’une expression réside dans ses conséquences pratiques. » Philosophie développée par Peirce, citation et James. John Dewey critique la tradition philosophique issue de Platon et d’Aristote. La philosophie, selon Dewey, doit accompagner l’évolution du monde et lui donner un sens, de façon à apporter au monde une certaine harmonie.

L’incertitude joue un rôle insigne dans le texte séminal de Dewey, La Quête de certitude (1929), par les liens que le livre établit entre l’incertitude théorique, qui conduit à des stratégies absolutistes et est par là même une cause bien établie de scepticisme, et l’incertitude pratique, l’incertitude qui entre dans chacun de nos actes et qui est incertitude sur le dénouement, mais aussi sur les significations qu’ils revêtent et sur les valeurs qu’ils servent .

On peut dès lors discerner deux séries de problèmes qui se posent.

Selon Dewey, notre recherche d’une certitude théorique, dans le champ de la connaissance, serait induite par la crainte des conséquences de nos actions. La quête théorique de la certitude serait une conséquence de la quête pratique de sûreté ou de sécurité. Nous rechercherons quelque répit, dans la partie théorique de nos vies, en construisant des systèmes clos et cohérents, en aspirant à ce que James appelle des « vacances morales ».
Dewey envisage la possibilité d’une incertitude pratique radicale qui prend trois visages complémentaires : l’incertitude sur notre capacité à adopter une attitude mélioriste, l’incertitude sur la situation et son caractère problématique, et enfin une forme d’incertitude pratique qui peut être aggravée par la rigidité des catégories philosophiques, politiques et juridiques.

Prenons, l’idée d’intuition. Qu’est-ce que l’inconnaissable, un point de vue de nulle part, d’une connaissance dont nous sommes privés, mais que nous aurions si nous en venions à nous en occuper et qui ferait en comparaison pâlir toute la connaissance phénoménale dont nous disposons ? 
En se débarrassant de cette fiction, on peut commencer à restaurer notre plein accès aux choses mêmes, à savoir ce que l’on peut connaître.

La Quête de la certitude est formulée dès la première conférence, qui explicite le titre de l’ouvrage :
La quête de certitude est la quête d’une paix garantie, d’un objet que n’affecte nul risque et sur lequel ne s’étend pas l’effrayante ombre portée de l’action. Car ce n’est pas l’incertitude en tant que telle que réprouvent les hommes, mais le fait que l’incertitude nous expose à souffrir mille maux.
Nous vivons, nous-mêmes et pas uniquement les ancêtres mythologiques, dans l’ombre de nos actions, et cela ne va pas sans crainte.

Le caractère spécifique de l’action pratique est l’incertitude qui l’accompagne.
C’est cette insécurité pratique qui est la cause principale de nos efforts pour atteindre à la certitude théorique : « l’insécurité engendre la quête de certitude ».
Toute la série de conférences va préciser en quel sens nous pouvons agir sur cette insécurité de l’action, qui est le problème principal, et, de ce fait, en quel sens nous pouvons tenir à distance le besoin de certitude théorique qui était une mauvaise réponse à cette incertitude. On voit en quoi on a là une difficulté nouvelle : les attentes erronées quant à la connaissance dérivent de l’incertitude de l’action (Peirce) ; l’action n’est pas la solution, elle est le problème (James).

Il y a plusieurs façons pour la philosophie de rendre la pratique moins irrationnelle et de nous aider à la contrôler de la même manière que nous tentons de contrôler les événements naturels.
Une tentation serait de penser que les philosophes ont négligé la relation entre la connaissance et l’action, ou bien encore d’avoir méconnu les motivations pratiques de l’enquête philosophique. Mais ce n’est pas là l’argument de Dewey. Il s’agit de dire que le gouffre entre la pensée et l’action masque souvent une division importante, qui peut revêtir plusieurs visages ; elle peut passer entre la connaissance et la « simple » croyance, entre les valeurs et les « simples » croyances pratiques, entre les activités et les simples actions. Dans tous les cas, on cherche à s’assurer une assise plus sûre : des idées qui ne seraient pas contaminées par la faillibilité de notre transaction avec le monde ; des valeurs et des actions qui ne seraient pas compromises par les contingences de nos expériences morales particulières, un régime de l’agir qui ne serait pas entaché par l’incertitude propre à toute action. Il ne faut pas inférer que la philosophie grecque a séparé l’activité de la connaissance. Elle les a reliées, mais au prix d’une distinction entre l’activité et l’action, elle sépare l’activité du faire et de l’agir .
La « thèse grecque », que Dewey critique, est la thèse sur l’action elle-même, et l’idée qu’il y aurait un aspect de l’action qui serait plus sûr, qui serait pur.
Dans l’ordre de l’action, le mieux que nous puissions viser, c’est la régularité, la prévisibilité, le contrôle de l’environnement ; nous n’y trouvons aucune garantie. 
Aucun mode d’action ne peut apporter quoi que ce soit d’approchant à la certitude absolue ; on peut en attendre de la protection, mais aucune assurance.

Tout l’objet du livre va être de montrer que nous disposons de méthodes sociales et expérimentales pour rendre l’action plus sûre, mais il nous faudra congédier la fausse opposition entre les activités et les actions, entre les croyances sur la valeur et les croyances pratiques.
La conception étroite de la pratique est une autre manière de prendre des vacances morales illimitées, puisqu’alors ce qui se passera en matière de valeurs ne « dépend pas de nous » et de nos actions concrètes. 
Dès lors que nous percevons qu’il n’y a pas un ordre de l’être plus noble, où se jouent nos valeurs, et un autre, plus rustre, où se jouent nos actions, « nous devrions concevoir la pratique comme le seul moyen de faire ce que l’on juge honorable ».


John Dewey, né le 20 octobre 1859 à Burlington dans le Vermont, mort le 1ᵉʳ juin 1952 à New York,

La Quête de la certitude (Gallimard 2014) reprend les onze conférences qui, données à Édimbourg dans le cadre des fameuses Gifford Lectures (1928), ont traité de la relation entre connaissance et action. L’ouvrage peut être découpé en trois grands moments au cours desquels Dewey livre de manière longitudinale une critique du mépris pour l’action, explicite son empirisme expérimental et mène une réflexion sur l’éthique.
Ma lecture de ce texte vient et fut déclenchée par la lecture de « l’art comme expérience » Gallimard 2005. Dans ce texte, la préoccupation de Dewey est l’éducation de l’homme ordinaire.
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