... tout d' abord une rectification à propos du commentaire de Nader :
je n' ai jamais dit : "vivre est plutôt espérer" ... au contraire
... parce que c' est justement le besoin voire l' addiction à une espérance qui fait obstacle à la relation, c' est à dire, à ce fait que nous sommes ensemble "naturellement", fait que nous partageons "de fait" et auquel nous sommes confrontés bon gré mal gré.
Parce que "la vie vit" : c' est ainsi, c' est un fait "naturel", la vie est relation, la relation est la vie !
Certes, la confrontation face au fait de la relation s' avère assez souvent difficile (et c' est peu dire !) parce que dérangeant, perturbant pour les opinions que nous avons de nous-même, le statut que nous occupons dans la société (surtout si celui-ci est important) ... etc
C' est ainsi qu' un problème d' un genre particulier apparaît : le problème de la relation, le "comment faire pour rendre la relation vivable ?" et qui se décline souvent en "comment faire pour rendre la vie vivable ?" ou bien "la vie vaut-elle la peine d' être vécue, quel sens donner à la vie etc ?".
Alors, nous cherchons des réponses, nous partons en quête et nous tombons dans un piège redoutable qui bouffe (toute) notre énergie c' est à dire notre capacité naturelle à faire face à la relation.
Parce que, ce qui pose problème ce n' est pas, comme nous le pensons, la relation mais au contraire le "comment faire pour éviter la relation telle qu' elle est ?", le "comment faire pour bricoler une relation qui nous convienne (relation j' appelle pseudo-relation ou non relation) ?"
La difficulté n' est donc pas de rendre la relation vivable mais de rendre la non-relation vivable et c' est pour ça qu' il y a problème parce que, dans la vie, dans le réel, la pseudo-relation, la non-relation ça n' existe pas !
Autrement dit, nous nous épuisons à essayer de faire vivre ce qui n' est pas la vie ... autant dire que l' échec est inévitable ...
"Vivre" n' a rien à voir avec "essayer de vivre".
"Essayer de vivre", c' est vouloir vivre hors de la vie : c' est impossible puisque nous, nous sommes vivants !
Et c' est en cet endroit que la nocivité du piège se manifeste ...
Parce que l' épuisement s' éprouve en lassitude, en sentiment d' isolement, éventuellement en dépression etc
A lui seul le sentiment d' isolement met en évidence la contradiction et la lutte dans lesquelles nous nous débattons, nous nous entêtons au risque de la noyade (la dépression).
Le premier pas hors de la prison (si nous pouvons parler ainsi) serait de se rendre compte qu' il n' y a d' isolement que parce que nous le fabriquons tout en étant persuadés d' agir en sens inverse !
Ce qui n' est pas évident, tellement nous sommes éduqués (formatés, conditionnés ?) dès l' enfance à fabriquer la pseudo-relation (que nous appelons, avec force convictions, "relation" bien sûr) : les procédés, les techniques pour ce faire ne manquent pas !
Nous, humains, nous sommes devenus de grands bâtisseurs : les villes, avec leurs impressionnants monuments construits pour faire mémoire ou pour "marquer le territoire", ces villes où tout est nommé, sont à l' image des conditionnements qui imprègnent nos cerveaux : un seul mot d' ordre : progresser par imitation ou par conviction ! bref, l' espérance est notre carburant ... les accomodements, les "arrangements" notre moteur, le progrès notre résultat.
Nos cerveaux sont devenus une véritable usine, que dis-je, une industrie à fabriquer de l' espérance et des accomodements ... surtout quand on s' y met à plusieurs (il y a même des pros spécialisés et performants dans ces domaines) !
Et quand nous fabriquons l' espérance, nous fabriquons aussi les problèmes pour la mettre en oeuvre : mettre au point les techniques pour atteindre le but fixé et délimiter le domaine relationnel où l' on intervient (il n' est pas possible de s' occuper du monde entier, voyons ! Et puis, ne proclamons-nous pas que chacun est "unique", "différent" etc ... c' est pour ça que les pros sont indispensables !).
Les problèmes sont le carburant de nos pseudo-relations ... et plus qu' on en a (de tordues, compliquées etc), plus nous sommes fiers en cas de réussite ... nous méritons récompense ! statut, notoriété, richesse etc
Réussir = faire croire à une majorité de convaincus et d' imitateurs que nos manières de penser et de faire sont les meilleures pour construire les "meilleures relations".
Seulement voilà, il y a un "hic" !
Car une "relation meilleure", ça n' existe pas ! Il ne peut y avoir de "meilleure" que la non relation. Il n' y a de progrès que dans la non relation, c' est à dire, les accomodements, l' illusion, la tromperie.
Utiliser l' expression "continuer à vivre" c' est accepter de se leurrer.
Parce que la relation authentique, elle, ne progresse pas : elle est ou elle n' est pas ! C' est comme l' amour, la liberté, l' honnêteté : il n' y a pas d' astuces, pas de biais, on s' y met ou on ne s' y met pas.
On découvre ainsi que la distinction "problèmes personnels, problèmes de l' humanité" est arbitraire, qu' elle est le fait du prince (le "moi" n' est-il pas, lui aussi, un prince, une autorité ?) : construire des limitations, des divisions rend insolubles les problèmes auxquels est confrontée l' humanité. L' actualité politique en apporte la preuve chaque jour !