Quelques réflexions après ce riche débat de dimanche dernier. La question posée était : la nature est-elle la mère de notre pensée où bien alors est-elle (seulement) l’objet de notre pensée ?
Demandons-nous d’abord ce que peut signifier : « la nature est la mère de notre pensée ». Le mot mère introduit une idée de lien biologique, charnel entre la nature et notre pensée. Ainsi selon ce premier terme de l’alternative proposée, la nature est, non pas seulement la cause de notre pensée, mais elle en est l’origine à travers un processus biologique, vital qui la relie à notre pensée. Ce qui signifie finalement que notre pensée fait partie de la nature, en est l’un des processus vitaux. On peut dès lors dire que c’est la nature qui pense en nous … Et si donc c’est la nature qui pense en nous elle pense donc pour nous, à notre place, ce qui revient à dire que la nature est le sujet de notre pensée. La question dès lors devient : la nature est-elle le sujet ou l’objet de notre pensée ? Cette formulation, certes un peu radicale, nous amène à nous interroger plus avant sur la nature de la pensée : phénomène inhérent à la vie et qui donc se déroule à notre insu ou alors phénomène qui est du domaine de l’esprit et de l’abstraction et qui dépend donc de notre volonté et de notre raison. La pensée est-elle une mise en ordre du chaos de la nature ou est-elle une expression de ce chaos lui-même comme semble nous le dire cette première alternative qui voit dans la nature la mère de notre pensée.
Dès lors dire que la nature est la mère de notre pensée, qu’elle pense en nous, ou que la pensée n’est qu’une expression du chaos de la nature, n’est-ce pas reconnaître que nous ne pensons pas ... Mais si je ne pense pas, alors qui suis-je ? Puis-je être, puis-je exister sans cette prise de distance minimum entre moi et la nature, entre moi et la matière. Prise de distance, que nous appelons esprit et me permet de penser la nature en me situant à l’extérieur d’elle, qui me permet de considérer la nature comme l’objet de ma pensée.
Mais pour penser la nature de l’extérieur encore faut t-il que la nature se présente à moi comme « matière à penser » c'est-à-dire comme un chaos, comme un désordre que ma pensée viendra mettre en ordre. Si la nature se présentait à moi comme un cosmos, comme un monde déjà ordonné … il n’y aurait plus rien à penser … il n’y aurait plus qu’à la contempler.
Ainsi donc pour qu’il y ait pensée, et ceci dans les deux termes de l'alternative considérée : Nature comme processus vital qui pense en moi ou alors Nature comme objet que je pense de l’extérieur, il faut que la nature soit considérée comme un processus dynamique, un chaos de forces, un objet instable donc évolutif. Il n’y a pas de pensée sans instabilité, sans désordre, sans incertitude et dès lors sans prise de risque de la part de celui qui pense.