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 Notre bon sens suffit-il pour comprendre ?

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fellion




Nombre de messages : 40
Date d'inscription : 05/04/2020

Notre bon sens suffit-il pour comprendre ? Empty
MessageSujet: Notre bon sens suffit-il pour comprendre ?   Notre bon sens suffit-il pour comprendre ? Empty13/2/2021, 11:27

Les philosophes, du moins deux d’entre eux nous disent; non.

Lorsque Descartes écrit le « Discours de la Méthode », l'Europe vit une révolution intellectuelle et scientifique qui conduit à une remise en question de l’autorité de l’église catholique qui défend une physique héritée de l'Antiquité, la physique de Ptolémée et d’Aristote.
En 1584 Giordano Bruno est torturé et brûlé vif pour avoir publié des thèses contraires  au dogme religieux. En 1633 Galilée est à son tour condamné  pour ses écrits qu'il doit renier sous peine de subir le même sort que Giordano Bruno.
Descartes, inquiet pour sa sécurité, détruit une partie de ses travaux scientifiques. Le Discours de la méthode, qui devait être l’introduction de quatre traités scientifiques qui ne seront jamais publiés, est publié anonymement en 1637.
L’enjeu de ce texte,  dans lequel Descartes décrit son cheminement intellectuel, est très important. En parallèle à la lutte contre le dogmatisme religieux, Descartes mène une autre bataille, la bataille contre le scepticisme auquel conduit cette crise des savoirs et des valeurs. Montaigne s’était retrouvé pour ainsi dire acculé malgré lui au scepticisme,  au constat qu'il est impossible à l'homme du fait de sa constitution de connaître la vérité du monde.
Le problème pour Descartes est  de sortir du scepticisme car si rien n’est certain toute science devient donc impossible.
Le projet cartésien sera donc de fournir à la physique galiléenne ses conditions de possibilité, en lui donnant un fondement qui résistera à tout scepticisme.

Descartes ouvre son Discours par une remarque proverbiale qui n’est pas dénuée d‘une pointe d’ironie :

« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ; car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. »

Il nous explique dans cette première partie que le bon sens (puissance ou pouvoir de juger) est réparti également chez chaque être humain, mais dépend de la manière dont chaque individu utilise cette faculté. C'est cela même qui crée la divergence des opinions.

Cela fait écho à la phrase de Montaigne :

« On dit communément que le plus juste partage que nature nous aye fait de ses graces, c’est celui du sens : car il n’est aucun qui ne se contente de ce qu’elle lui en a distribué. N’est-ce pas raison? Qui verroit au delà, il verroit au delà de sa veue. »

— Essais, II, 17

Dans cette première phrase Descartes s’approprie l’expression populaire "bon sens".
Dans le langage courant le "bon sens" désigne la capacité d'avoir une réponse pertinente ou appropriée à un problème. Quelqu’un de bon sens c’est quelqu’un qui a raison. Le bon sens est donc synonyme de raison et d’évidence.
Descartes précise ensuite que « le bon sens est la chose la mieux partagée » entre les hommes. Cela signifie que le bon sens est universel : tous les hommes sans exception sont pourvus de raison.
La preuve en est que « ceux qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont » : Descartes observe que nous  ne mettons pas  en question nos propres opinions lorsque nous affirmons quelque chose dans une conversation. Nous considérons tous que nous "avons" raison et même suffisamment de raison (avoir est synonyme ici de posséder). C’est ainsi qu'il ne viendrait à l'esprit de personne de demander plus de "bon sens" ou de raison.

Descartes ne rejette pas la conception populaire du bon sens. Il la détourne et lui donne un autre contenu. Il part du sens commun pour aller vers le sens philosophique du mot "raison". 

Descartes opère un glissement de sens. Avoir raison, ce n’est plus avoir une réponse appropriée à une situation ou à un problème sans savoir exactement pourquoi cette réponse est appropriée (ce qui correspond à la définition de l'opinion droite chez Platon), devenu le bon sens populaire. Avoir raison c’est désormais posséder le  principe explicatif d’une chose ; et ce principe on ne peut l’obtenir que par un travail effectif de la raison.

C'est pour cela que la raison est un sens qui est bon car c'est le sens qui nous permet d'atteindre la vérité avec certitude. En science et en philosophie il ne s’agit pas d’être persuadé d’avoir raison (ce qui est le cas de l'opinion commune), il faut en être convaincu. Ce qui implique un tout autre rapport au savoir.
Descartes donne alors une définition philosophique précise et rigoureuse de la raison :
La raison c'est « la puissance de bien juger, et de distinguer le vrai d'avec le faux », autrement dit la raison c’est la faculté qui nous permet d'atteindre la vérité lorsque nous construisons des théories explicatives du monde.

Si tout le monde possède cette faculté, la raison, qui nous permet d'accéder à la vérité, et si tout le monde la possède de la même façon, alors comment se fait-il que sur une même question (scientifique) qui n’appelle en principe qu’une seule réponse, nous ne soyons pas tous d'accord  (« la diversité des opinions »)?  Pourquoi est-il si difficile d'accéder à la vérité ?
En effet si nous observons les hommes, chacun utilise sa raison comme bon lui semble, de façon désordonnée. Le problème vient donc non pas d’un manque de raison mais du fait que nous faisons un mauvais usage de notre raison, " de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies". Nous sommes dans l'erreur car nous ne possédons pas la « bonne méthode ».
Descartes a le projet  d’une méthode universelle qui s’inspirerait des mathématiques dont il admire la fécondité et la rigueur, rigueur qui laisse peu de place aux désaccords entre les hommes. Les mathématiques sont en outre le seul domaine où l'esprit peut atteindre une certitude. Descartes rêve de pouvoir étendre cette certitude aux autres domaines du savoir.

Spinoza, dans son Ethique pose une théorie de la connaissance.

  • - À partir des choses singulières qui nous sont représentées par les sens d'une manière mutilée, confuse, et sans ordre valable pour l'entendement (voir le Corolaire de la Proposition 29). C'est pourquoi j'ai l'habitude d'appeler ces perceptions : connaissance par expérience vague. À partir des signes, quand, par exemple, après avoir lu ou entendu certains mots, nous nous souvenons des choses et nous en formons certaines idées semblables à celles par lesquelles nous imaginons les objets (voir le Scol. de la Prop.18). Ces deux façons de saisir les choses, je les appellerai désormais connaissance du premier genre, opinion ou imagination.

    - Et enfin, du fait que nous avons des notions communes, et des idées adéquates des propriétés des choses (voir le Corol. de la Prop. 38, la Prop.39 et son corol, et la Prop. 40). J'appellerai raison et connaissance du second genre cette façon de saisir les choses.

    - Outre ces deux genres de connaissances, il en existe un troisième, comme je le montrerai plus loin, et que nous appellerons la Science intuitive. Ce genre de connaissance procède de l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l'essence des choses. J'expliquerai tout cela par un seul exemple : trois nombres étant donnés, il s'agit d'en déterminer un quatrième qui soit au troisième comme le second au premier. Les commerçants n'hésiteront pas à multiplier le second par le troisième et à diviser le produit par le premier; c'est qu'ils n'ont pas oublié ce qu'ils ont entendu de leurs maîtres sans démonstration, ou qu'ils ont souvent expérimenté cette vérité sur des nombres simples, ou enfin qu'ils appliquent la démonstration de la Proposition 19 du livre VII d'Euclide, c'est-à-dire la propriété commune des nombres proportionnels. Mais pour des nombres très simples, rien de tout cela n'est nécessaire. Soit, par exemple, les nombres 1, 2, 3 : il n'est personne qui ne voie que le quatrième nombre proportionnel est 6, et cela d'une manière beaucoup plus claire, puisque, c'est de la relation même entre le premier nombre et le second, en tant que nous la saisissons en une seule intuition, que nous concluons le quatrième." (Ethique II, proposition 40, scolie 2)
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