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 Pouvons-nous vivre ensemble sans résonance commune?

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AuteurMessage
Bernard




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Date d'inscription : 08/06/2007

Pouvons-nous vivre ensemble sans résonance commune?  Empty
MessageSujet: Pouvons-nous vivre ensemble sans résonance commune?    Pouvons-nous vivre ensemble sans résonance commune?  Empty15/5/2019, 15:07

Pouvons-nous vivre ensemble sans résonnance commune ? (sujet café-philo Bastille du dimanche 12 mai 2019 animé par Bruno)
Le contenu de mon intervention:

Cette question peut se reformuler ainsi :
Pouvons-nous vivre ensemble, c'est-à-dire vivre sur le même espace, pour former une même communauté de citoyens qui décident ensemble de leur avenir, sans avoir une culture commune, c'est-à-dire une langue commune, des valeurs communes qui se traduisent par une civilité commune, des façons communes de se comporter les uns envers les autres, des formes de politesses, des rapports à la nourriture qui soient compatibles … ?

A cette question certains répondent oui, nous pouvons vivre ensemble sans partager une culture commune, mais à la condition que chacun soit suffisamment tolérant envers les habitudes de vie dans l’espace public des membres des autres cultures (civilité, religion, habitudes alimentaires, habillement etc.). Ainsi les partisans de cette position mettent en avant la tolérance, mais aussi, au niveau politique, la reconnaissance des communautés culturelles, religieuses ou ethniques, minoritaires, afin que les inégalités ou les discriminations dont certaines communautés pourraient être victimes soient prévenues par des politiques ciblées en direction de ces communautés (c’est ce que l’on appelle la discrimination positive qui s’appuie sur le concept de multiculturalisme). Pour eux c’est en développant une plus grande tolérance et une reconnaissance des minorités, que nous pouvons développer le vivre ensemble. C’est la tolérance des uns qui fait la liberté des autres.

D’autres répondent non, nous ne pouvons pas vivre ensemble sans partager un minimum de culture commune, de résonnance commune, donc d’habitudes de vie communes, en premier lieu la langue mais aussi les règles de civilité élémentaires par exemple. Aussi, ceux-ci mettent-ils l’accent sur la nécessité, pour les membres des cultures minoritaires, de s’intégrer à la culture commune, en apprenant la langue, en respectant les codes de civilité de la culture majoritaire etc.
Là où les premiers disent tolérance les deuxièmes répondent intégration.  
Là où les premiers disent « droit à la différence » les deuxièmes répondent « devoir de ressemblance ».
Là où les premiers voient la liberté comme absence de contrainte de la part de l’Etat, vis-à-vis des différentes communautaires culturelles dans l’espace public, les autres la voient comme émancipation à l’égard de ses propres liens communautaires.

Dès lors le problème politique qui se pose est de savoir où se situer entre ces deux positions extrêmes, car nous sentons intuitivement que seule une position intermédiaire est réaliste, qui, à la fois donne une place aux cultures qui nous viennent du passé, et en même temps, permette la liberté individuelle de s’en émanciper, tout en maintenant une cohésion sociale suffisante.
Deux penseurs ont élaborés des théories pour établir des procédures politiques qui permettent d’établir une société qui concilient ces exigences contradictoires : reconnaissance de la pluralité des cultures, émancipation individuelle par rapport à sa culture propre, cohésion sociale.

John Rawls, dans son ouvrage « Théorie de la Justice » propose la théorie du « voile d’ignorance », qui consiste, pour le législateur (et par conséquent pour le citoyen), à se mettre, pour élaborer les lois communes, dans une position fictive où il doit faire abstraction des toutes ses positions dans la société (attaches culturelles, religion, position sur l’échelle sociale etc.). Ainsi les lois seront celles qui maximiseront les exigences citées plus haut.

Habermas au contraire pensent que cette position fictive est irréaliste, et qu’il faut plutôt en passer par une délibération commune des acteurs sociaux, où chacun y participe en y venant avec ses caractéristiques réelles (culture propre, religion, position sociale). Ainsi pourra, par le débat, s’établir une position acceptable par tous, et les lois qui en résulteront seront les plus compatibles possibles avec les exigences citées.

Sur ce sujet du vivre-ensemble et de la culture commune, une autre distinction importante peut être faite, qui est celle, du politique, et donc de l’Etat, et du culturel, et en particulier du religieux.
Le politique, devant s’appuyer pour faire la loi commune, sur la raison, alors que le culturel se réfère à la résonnance, aux sentiments, aux émotions.
On aura donc toujours une tension entre communauté politique et communauté culturelle.  Entre le raisonner et le résonner.

Réflexion complémentaire qui n’était pas dans mon intervention :
Mais, si la séparation de ces deux sphères est maintenant admise par tous les protagonistes, il existe des interprétations différentes de la distinction entre politique et culturel, et de leurs limites respectives.
Ainsi ces interprétations polémiques alimentent et brouillent les débats actuels ; chacun voulant tirer dans son sens sa propre interprétation.
Le débat le plus frontal est aujourd’hui celui qui oppose les partisans de la laïcité et ceux du multiculturalisme, chacun argumentant, au nom des valeurs que l’autre met en avant, pour mieux cacher ses propres motivations.
Ainsi les multiculturalistes (façon de désigner les extrémistes du multiculturalisme !) accusent les laïcistes (façon de désigner les extrémistes de la laïcité !) de mêler dans leur définition de la communauté politique (que l’on désigne dans le cas français comme étant la République) des éléments de la culture dominante en France (qui serait selon eux, issue d’un compromis entre la religion catholique et le républicanisme qu’ils désignent parfois sous le terme de catho-laïcité).
Ils les accusent ainsi  de maintenir la domination d’une culture particulière (catho-laïque) sur les cultures minoritaires (en particulier sur la communauté musulmane d’où les accusations récurrentes d’islamophobie à leur égard). La laïcité en effet prône une séparation stricte entre l’Etat et les églises (= les institutions religieuses), séparation que certains (les laïcistes) poussent jusqu’à celle du public et du privé, et par conséquent la laïcité prône une stricte neutralité de l’Etat, vis-à-vis des institutions religieuses, de la religion, des communautés culturelles ou religieuses (en allant de la laïcité stricte au laïcisme).  
C’est donc, au nom de la laïcité stricte, que les multiculturalistes attaquent les laïcistes !
De leur côté, les laïcistes accusent les multiculturalistes de vouloir attenter à la liberté individuelle, en enfermant les membres de chaque communauté dans une identité univoque, et par là de les soumettre aux pesanteurs culturelles et surtout religieuses de leur communauté.
Ainsi toute reconnaissance d’une communauté particulière, entre l’individu et l’Etat est vu comme attentatoire à la liberté de l’individu de s’émanciper de sa (ses) communauté(s) d’origine. Le cas du voile islamique est à cet égard intéressant car il fait s’affronter deux visions de la liberté.  Celle des multiculturalistes qui y voient la liberté de choisir sa façon de s’habiller (c’est la conception libérale de la liberté vue comme absence de contrainte), et celle des partisans de la laïcité qui y voient une atteinte à la liberté comme émancipation individuelle, (c’est la conception républicaine de la liberté vue comme absence de domination), car le port du voile se fait, en général, selon eux, sous une pression familiale et sociale.
Comment sortir de ce débat ?
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